dimanche 2 février 2014

Le parti de la poésie !

J'écris ces lignes au moment où quelques manifestants d'extrême droite battent le pavé. Sur les réseaux sociaux d'autres crient au scandale parce qu'un jeune imbécile a diffusé une vidéo le montrant martyrisant un chat.
On ne cesse partout de nous dire que la confiance est au plus bas et le soupçon au plus haut.
Dans la même semaine des rumeurs d'enseignement de la théorie du genre à l'école maternelle achevaient d'énerver un climat de suspicion, de rancœur... toute cette fermentation agitant remugles nauséabonds, rumeurs, moraline...
Tourbillon malsain, agrémenté de maladresses, de confusions, de renoncements et de déceptions et dans le même temps d'une sorte d'incapacité de la Société à dépasser ses propres problèmes et des citoyens à retrousser leurs manches pour agir au lieu d'en vouloir toujours aux autres...
Climat glauque et oppressant qui nous donnerait envie de jeter les journaux et d'éteindre les écrans.
Une sorte de fatalité renforcée par une météo désastreuse ajoutant tempêtes et inondations...
Comme si nous avions l'espoir secret qu'une vague un peu plus forte que les autres vienne tout balayer et nous contraigne enfin à reconstruire et imaginer un autre monde... une vague qui aurait le courage que nous n'avons pas.
Autrefois on comptait sur « une bonne guerre ».

Toutes ces peurs et ces agitations invitent certains à se réfugier dans leur territoire qu'il soit intime, familial, corporatiste ou culturel, la religion, s'il le faut jusqu'à l'extrémisme dans un jusqu'au boutisme suicidaire où le martyr devient un idéal.

Ces peurs encore semblent paralyser le pouvoir, incapable d'imaginer de nouvelles pistes, cédant chaque matin à l'esprit convenu, à la pression des grandes fortunes ou de ces groupes de pression qui surtout tentent de sauver leur propre intérêt quitte à ne faire preuve que d'une courte vue...

Imagination !
Utopie !
Mais aujourd'hui si ces mots semblent ouvrir des territoires désormais interdits et tabous.

Avant même un projet, ce qu'il nous manque c'est la capacité à nous redonner des espaces poétiques.
De vrais espaces qui ne soient pas confisqués par le commerce et la publicité.
La poésie libère et rassemble. La poésie est subversive et ose. Elle est ferment de joie. Elle nous unit avec le vivant dans une tolérance sans cesse renouvelée.
Les poètes vont chercher l'homme sous le guerrier et le ramènent par la peau du cœur vers le chant.

La poésie ne coûte rien. Il lui suffit souvent d'une chaise, d'une table, d'une feuille, d'un crayon, d'une guitare.
Elle n'est aucunement asservie à la naïveté ou à la complaisance.
Ce qu'elle aime garder de l'enfance c'est le sens du jeu, de la contestation, le goût de la provocation, la vraie, celle qui secoue l'ordre établi pour libérer de l'oppression et du joug qu'il soit dictatorial, patriarcal ou matriarcal.
La poésie émancipe. Même mystique, elle veille à préserver l'homme de lui même et des siens.
Elle croit en lui et l'appelle toujours et sans crainte au plus fort du désespoir, le cherchant sous le pire.

La poésie élève chacun à l'égale dignité, sans supériorité. Elle met des couleurs aux mots et nous invite à oser imaginer .

Tout ce qui est dit ici pourrait sembler bien convenu s'il ne s'agissait en réalité d'un vrai combat.
La question n'est pas de regretter un temps passé.
Certes, le Georges Brassens d'aujourd'hui est condamné au silence, interdit d'antenne... mais la question n'est pas celle du poète maudit.

Elle est celle de notre courage à défendre la poésie au quotidien comme un acte militant.

Agir en poésie.

La poésie est en lutte contre la vulgarité. Elle aime la couleur pas le clinquant. Elle chante en choisissant ses mots.
Elle est philosophe sans anathème ni dogme.
Elle se dit, elle s'écrit, mais plus encore elle est geste et rencontre.
Elle est rédemptrice, altruiste, réparatrice.
 
Une pomme que l'on pose sur la table. La contemplation d'un chat qui rêve à la fenêtre. Un interlude qui se glisse entre l'heure du travailleur et l'ennui du chômeur.
La vieille dame qui veut placer son lit face à la fenêtre pour prendre le temps de voir les nuages.
L'homme qui s'assoit et écoute l'enfant chanter.

La poésie est unitaire et populaire. Elle devrait être dite chaque matin dans les écoles, affichée sur les murs, glissée dans les boîtes aux lettres, partagée à la cantine ou à l'atelier.
Non pas comme un devoir, mais une liberté à protéger et défendre.

Un bien commun. Pour une écologie de l'intime et de la solidarité.

Parce qu'à bien y regarder l'extrême droite ou la sombre télévision commerciale, leur but premier, avant même de nous jeter dans des prisons réelles ou mentales, c'est de s'évertuer à tuer la poésie à la façon dont certains jardiniers s'évertuent à arracher toute herbe sauvage entre les pierres.

Il n'est pas seulement question d'espoir ou de lumière, de langue ou de lien, il est question de ce qui fait l'homme, lequel n'est en rien un animal naturel mais bien cet étrangeté capable de faire culture et de recréer le monde en l'élargissant et le partageant par l'acte poétique.

Le premier parti et le premier programme dont nous avons besoin, c'est celui de la poésie !

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