Le vingtième siècle, n'en finit-il
pas de pourrir sur lui même, et la pourriture, insidieuse, ne
vient-elle pas tout contaminer ?
La défiance est le ferment de cette
pourriture. La médisance en est le vecteur. L'aveuglement l'excuse.
Nous portons tous une grande Burka dont
la fente visuelle est si étroite que notre prise d'empan bien faible
ne nous laisse voir que le fil restreint d'une actualité normée aux
cris du scandale.
Car le scandale a cette capacité de
remonter à la surface et parce qu'il fait de nous des scandalisés,
nous accapare, nous dévie de la lucidité, de la mise à distance,
de la justice même.
La scandale nous oblige à prendre
parti, à choisir notre clan, à renforcer notre vision binaire du
monde. La moraline dessine notre façon de penser, la colère anime
notre geste et la désespérance confond tout.
Nous mélangeons raideur et
structuration, conservatisme et valeurs, nous avons mal au dos à
force de nous soumettre au stress, mais nous nous précipitons, nous
ne faisons que tourner en rond tels des totons lancés malgré nous
dans une transe échevelée.
Nous sommes devenus intolérants et
sommes convaincus d'avoir raison mais nous ne faisons rien pour
changer le monde.
Nous sommes laxistes et prompts à
laisser le champ libre à la dictature qui préfère la trique et le
dogme au courage, à la reliance, au dialogue vigilant et ouvert...
Nous sommes ces danseurs ivres qui dans
une farandole désarticulée vont droit dans le mur.
Dire cela, serait s'excuser par
avance : « je vous avais prévenu ! Vous ne vouliez
pas écouter ! Il est trop tard ! »
Nos frères meurent mais nous nous
gavons avec plus ou moins de bonne conscience.
La spirale
consumériste nous avilit et nous aliène.
Il faut dépenser d'urgence l'argent
que nous n'avons pas pour acheter des gadgets inutiles et des
voitures confortables plutôt que de sauver ceux qui doivent l'être.
Car si nous ne sauvons pas le faible,
nous nous affaiblissons en réalité et nous promettons au triste
règne sur un champ de ruines, à la guerre...
Nos cancers sont le fruit dégénéré
de nos modes de vie insatiables, nous tentons de les soigner mais
sans jamais aller chercher la cause réelle du mal. Nous nous gavons,
nous n'avons plus faim, mais nous continuons jusqu'à l’écœurement.
Alors, nous vomissions sur autrui...
Mais vomir sur autrui c'est bientôt
vomir sur soi même.
Parfois nous pensons et affirmons qu'il
faut combattre : mais combattre c'est souvent se priver du
courage de convaincre.
Il faudrait un ministère de la Paix.
De la paix intérieure, de la paix extérieure.
Il faudrait aussi un ministère des
Projets et de la mutualisation.
Un ministère de la coopération et de
la solidarité.
Un ministère des arts et de la poésie.
Un ministère de la reliance et de
l'écologie.
Un ministère de la connaissance
partagée.
Et des femmes et des hommes dont le
rôle serait d'aller par les campagnes et les villes, écouter, faire
se parler les gens et les accompagner pour oser transformer ce qui
pourrait l'être.
Le juge de paix devrait être celui qui
écoute pour apaiser et proposer de nouvelles façons de vivre
ensemble.
Nous ne devrions plus avoir honte de
confier aux machines le soin de fabriquer les objets et les biens
utiles parce qu'alors nous pourrions nous libérer pour donner du
soin à nous mêmes et aux autres, bêtes et plantes compris.
Dans les quartiers, les villages, les
écoles devraient devenir les maisons du savoir partagé où chacun
viendrait apprendre et enseigner selon son âge et son expérience.
Les musées devraient être les maisons
de rencontre de l'art où l'on pourrait voir, sentir, ressentir,
rencontrer les artistes et peindre ou sculpter.
Les mairies, les hôtels de ville,
devraient accueillir les citoyens qui viendraient proposer et
discuter et étudieraient ensemble les projets.
Et les hôtels de police aideraient
d'abord à la bonne mise à distance, inviteraient à prendre
conscience de la Loi nécessaire et à mobiliser le sens de la
réparation avant de réprimer sèchement. A côté, les maisons des
victimes permettraient la meilleure écoute et la reconstruction.
Dans les banques, l'argent devenu
périssable ne viserait pas à l'enrichissement personnel mais à la
réalisation de projets...
Chaque jeune serait invité à voyager,
à découvrir le monde, à s'engager dans des actions de solidarité.
L'Utopie et la Poésie ne seraient pas
vues comme des enfantillages mais comme la possibilité de réinventer
des possibles, loin de l'angélisme, dans la logique d'un vrai
renversement de valeurs qui ne s'interdirait pas la subversion ou
l'humour mais oserait démonter, démontrer, argumenter sans opposer
en cherchant la rationalité et en admettant l'évolution permanente
de la connaissance sur le vivant et les systèmes.
L'incertitude est la première
certitude. L'ordre un mouvement incluant la nécessité du désordre
sans lequel il n'est pas de fécondité ni de créativité.
Nous savons tous que nous ne pouvons
pas continuer ainsi. Nous commençons à comprendre qu'il n'est ni
sauveur, ni gourou. Nous percevons que nous avons de nombreuses
habitudes encombrantes et destructrices mais nous éprouvons des
difficultés à nous en débarrasser.
Être sage, c'est accepter de changer
de paradigme.
C'est reconnaître d'abord que nous
avons besoin les uns des autres. Individuels et solidaires, cela fait
« le génie humain ».
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