jeudi 19 août 2010

Rites de rentrée

La rentrée scolaire, le retour des vacances s'accompagnent de trois rites finalement sympathiques. 
Je ne les prends pas dans l'ordre : retrouvailles, nouveautés, projets.

Le rite des retrouvailles nous pèse peut-être le plus.
Il s'agit de retrouver un univers scolaire ou professionnel avec très souvent la sommation du récit des vacances et l'exigence de revenir "en forme" et régénéré pour la suite. 
Les vacances constituent ce moment ambigu d'une apparente liberté du temps personnel tiraillé entre découvertes (le tourisme et tout ce qu'il inflige), vacuités (lourdes à ceux qui ne sont pas partis, pires à ceux qui ont été loin de chez eux) ,  régressions même si elles sont en partie sympathiques,  lorsque chacun  s'est trouvé renvoyé à sa tribu d'origine, sa famille, à ces confrontations de modèles culturels ou d'éducation des enfants... 
Images, impressions, ressentis, dont nous serions censés devoir témoigner en répondant à la terrifiante question souvent ainsi posée "alors ces vacances ?" , question à laquelle nous n'avons justement pas forcément envie de répondre, à moins que nous ne nous trouvions dans la logique de témoigner de notre supposée réussite sociale...

Mais les retrouvailles nous conduisent aussi avec plus ou moins de joie à revenir vers nos partenaires, peut-être de nouveaux visages : camarades, collègues, supérieur... Il se recrée un réseau de liens après ceux tissés ou renoués pendant les vacances, après le départ... Chacun reprend sa place, un peu différent de celle occupée dans la sphère privée... peut-être indiciblement changé et permanent.

On pense alors au "retour" sa richesse, en ce qu'il permet de poser un regard distancié... Retrouver un espace social, des lieux, en faire une lecture renouvelée avec ses sens, son coeur, sa logique.

Le rite des nouveautés nous vient-il de l'enfance ? Il est pour partie destiné à nous encourager. Un nouveau cartable, des cahiers qui sentent bon. Une plante sur le bureau ou une nouvelle organisation logistique... "A compter de cette année, voici ce qui va changer..." Nous en attendons un encouragement et si possible un progrès. La nouveauté peut vite effrayer et déprimer si elle s'accompagne d'une perte.

Les projets ne valent pas s'ils ne se pensent que comme nouveauté... Ils restent associés à l'idée de progrès, d'avancée... Aux projets professionnels, juxtaposés ou reliés, s'associent nos projets personnels. Nous n'osons pas toujours les formuler au delà d'intentions convenues et réductrices : l'un voudra perdre quelques kilogrammes, l'autre faire plus de sport, tel autre trouver une meilleure organisation, sortir plus, se former, se donner un objectif personnel ou professionnel...
Ces projets se présentent souvent sous la forme de "résolutions" qui s'étioleront vite ou se dissoudront sous l'empire et l'emprise du quotidien s'ils ne sont pas pensés dans le système de notre vie... 

Il faudrait presque que nous puissions d'une part procéder à une sorte d'audit de notre vie personnelle et professionnelle - ce qui va, ce qui ne va pas , quelle est notre relation au temps, aux autres et à nous même (corps et esprit) - et que nous analysions ensuite de quels moyens nous disposons pour avancer dans nos projets... Il nous faudrait encore nous ouvrir au prévisible (projets trop ambitieux, tensions entre nos projets et des contraintes extérieures) et à l'imprévisible (la rencontre, l'accident, l'évènement...). 

Tout cela suppose que nous ne nous laissions pas dévorer par notre propre actualité mais je crois également que nous écoutions, cherchions, lisions et ne produisions pas du projet comme un gadget extérieur à nous mêmes , mais en le tissant d'emblée avec les projets des autres... 
Nous inscrire dans une logique créative doit en tout cas nous permettre de nous approprier notre propre vie, mais produire sans nous parler à nous même et à notre corps, ce serait prendre le risque de l'agitation...
Ces projets ensuite, doivent se construire dans la vérité, la recherche de la vérité, c'est à dire au service de ce que nous voulons construire de nous même comme être pensant et en relation avec les autres...
C'est pour cette raison qu'une vision seulement matérialiste d'un projet, le condamne au chiffre, au résultat sec, à la performance vide.
Il faut du sens à ce que nous faisons et voulons, il nous faut des valeurs.
Alors nous pouvons avoir un peu peur... avoir un projet c'est accepter qu'il nous dépasse...
Plutôt que de voir la rentrée comme un capital d'énergie à dépenser jusqu'aux prochaines vacances, il faut déjà parvenir à se penser dans son propre "développement durable", la bonne économie et la bonne ergonomie de sa vie... la chance d'un temps pour se regarder autrement à la jonction de ses mondes personnel, privé, social et professionnel... La chance de pouvoir toujours et encore grandir et s'émanciper... y compris d'anciennes mauvaises habitudes.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire