vendredi 2 janvier 2015

du temps en guise de voeux

 Puisque c'est le temps des vœux...

Tandis que certains agitent leurs mains sur un bureau vide espérant la croissance...
Alors que d'autres espèrent la richesse tournant la roue d'une loterie impossible ou plus prosaïquement espèrent trouver enfin un emploi...

Au moment où nous formulons nos vœux dans ce rituel étrange car souvent peu rationnel mais qui n'a rien d’infamant ni d'hypocrite pourvu qu'il fédère un peu, je me disais à titre égoïstement personnel mais au delà pour qui s'y retrouvera, que si j'avais un vœu à formuler cette année 2015, ce serait celui de la reconquête du temps.

Il n'est pas un individu qui ne prétende manquer de cette richesse là.

Et pourtant, tout est fait pour nous en faire gagner.
C'est un lieu commun mais les machines nous remplacent pour nombre de corvées, les flux internet sont de plus en plus rapides, on nous aurait même soi disant accordé du temps pour moins travailler ... mais nous courons épuisés, l'horloge va si vite qu'oser écrire plus de dix lignes c'est prendre le risque de vous perdre parce que vous aurez une urgence ici ou ailleurs, un devoir imposé et régulé par le temps.

Mon smartphone lui même me parle et me rappelle les rendez-vous. Il me géolocalise et calcule le temps qu'il me faudra pour rejoindre le prochain contact.

Dans les médias nous lisons que l'un des facteurs de souffrance est le burn-out dont l'une des causes essentielles et le sentiment de surcroît de travail en des temps de plus en plus réduits...

Nous aurions donc mille raisons de nous sentir plus libres de notre temps mais nous prétendons en manquer et nous en souffrons.

Nous dormons moins qu'avant, enfants, adultes et adolescents sont fatigués et la réforme des rythmes à l'école censée libérer du temps conduit au contraire à chercher à le remplir à tout prix tout en se plaignant de constater trop d'activité à l'emploi du temps de la jeunesse...

Nous nous voulons plus productifs, nous le sommes, mais une forme de course ou d'hystérie collective nous conduit à l'insatisfaction collective.

Il ne suffit plus d'être livré en deux jours mais nous exigeons de l'être en deux heures.
Un mail non répondu dans la demi-journée nous semble dramatique.

Nous reniflons bien là quelque paradoxe.
D'autant que dans cette course nous savons que nous n'avons jamais perdu autant de temps en embouteillages ou en réunions ...

Partir tôt, buller, prendre du temps pour soi... semble un luxe et si quelques sites osent nous proposer des dispositifs pour mieux "gérer" notre temps (le vilain terme) comme si notre vie personnelle devait être temporisée dans toutes ses étapes, nous observons d'un œil à la fois jaloux et soupçonneux celui qui affirme qu'il partira tôt du travail, ne traitera pas toutes les tâches dans l'urgence non pas forcément pour courir vers un quelconque loisir organisé ou dans une salle de sport au timing bien rythmé, mais juste pour "se retrouver" , "avoir du temps pour soi", "réfléchir" ou peut-être même "ne rien faire de spécial"...

Du temps.
Regagner ce temps et oser en faire la conquête.
Pour penser et mieux comprendre.
Pour réfléchir.
Mais aussi laisser son cerveau trier, sélectionner et que la bonne idée (eurêka !) émerge ....
Du temps pour observer, regarder, ressentir.
Du temps pour retrouver les êtres aimés ou ceux qui pourraient l'être ou l'être mieux...

Banale, presque convenue, l'idée n'en reste pas moins révolutionnaire.
Elle vient bousculer les théories liées à la rentabilité, à la course, la recherche de croissance même...
Si vous ne faites pas, d'autres ferons à votre place !

Le doux leurre !
Car rentabilité et rapidité ne se confondent pas avec efficacité.

Pourquoi ai-je un gros doute sur la qualité de la maison construite à côté de la mienne en moins d'un mois ?
La maison est aujourd'hui construite... mais plusieurs mois après elle reste vide.

Est-ce là notre but ? Bâtir très vide des maisons vides qui s'effondreront dans moins de trente ans ?

Le temps.

Un ingénieur me confirmait que nous saurions construire aujourd'hui un véhicule inusable ou un lave-vaisselle inusable... nous saurions... nous pourrions, si nous voulions...

Pour les marchands ce ne serait peut-être pas rentable.
Pour nous, ce le serait et nous pourrions peut-être investir dans d'autres projets où le but ne serait donc pas la course à la croissance comme une sorte de course à l’échalote irréfléchie.

Courir n'est souvent qu'une posture, une manière de nous agiter pour laisser croire que nous faisons beaucoup...

S'agiter, éviter de s'interroger sur le sens réel que nous voulons donner à nos vies et sur ce que nous savons qu'il est bon ou pas de faire de nos vies.

Oui, la reconquête du temps est un acte révolutionnaire.

Non pas une sorte d'acte passif et conservateur.
Mais une revendication de l'attention, de l'écoute et de la qualité que nous nous devons toutes et tous.

Et parce que nous ne sommes pas obligés d'être nos propres tortionnaires.

Bien sûr, cela peut imposer de mieux prévoir (ai-je vraiment besoin d'une pizza dans dix minutes ? est-ce que je me persuade qu'elle peut être bonne si vite jetée sur la plaque avec trois ingrédients surgelés ? ) , cela supposera aussi de réapprendre les joies de la patience...

Le médecin dans son cabinet qui enchaîne les rendez-vous et nous fait attendre, ne gagnerait-il pas mieux à disposer de vrai temps pour être attentif au visiteur ? Plutôt que d'entasser les visiteurs dans des salles d'attentes désespérantes, ne pourrait-on pas mieux y penser le temps ? (un horaire plus adapté, un bilan de santé en attendant de voir le médecin, des temps d'échanges..)

Nous ferions mieux ce que nous avons à faire et les coûts en apparence engendrés par ce temps redonné, certainement seraient récupérés par le qualitatif, le stress moindre et le recours plus limité aux produits tour à tour faits pour nous "dynamiser" (nous exciter), puis nous "calmer"... nous apaiser... pour éviter que nous ne nous interrogions trop !

Si l'on commence à défiler la liste des possibles dès lors que nous ouvrons cette dimension du temps (le temps d'apprendre, de comprendre, de vivre, de partager, découvrir...) ... alors nous redonnerons un peu de sens et de souffle à nos vies.

Encore faut-il que nous acceptions de regarder les choses en face, pour nous mêmes et ceux que nous entraînons parfois dans la danse infernale.

Bonne année à toutes et tous !

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