dimanche 17 août 2014

l'information à la télévision (publique)

Une récente et brève prise de bec sur Twitter avec un rédacteur en chef adjoint d'une grande chaîne publique nous opposait à propos de la diffusion au "13 heures" d'un énième reportage relatif à la météo de l'été vécue par les français.

Pour ce rédacteur en chef, le sujet partagé par "des millions de français" méritait un reportage... 
Pas de canicule, pas de neige au mois d'août non... juste un relatif manque de soleil... 

Nous lui opposions qu'aucune information particulière n'était cependant apportée dans ce long déroulé de lieux communs égrenés au fil de témoignages recueillis sur "le vif". Sachant que du temps de reportage ce sont aussi des moyens et de l'argent... nous pensions avoir le droit d'exprimer une critique. Mal nous en a pris et notre contradicteur se montrait vite cinglant (on n'ose imaginer comment il réagit à la critique au sein de son équipe...).

Il nous semble toujours que d'autres informations plus graves mêmes si plus confidentielles, auraient justement mérité que des journalistes de service public osent les porter à la connaissance du grand public. 

Il y a une double responsabilité dans la diffusion de reportages "lénifiants" sur des sujets de type marronnier ou "hautement consensuels" : d'une part on contribue à l'abaissement de l'esprit critique et surtout on produit un effet de "masque" même s'il faut se prévenir de tomber dans le "on nous cache tout, on ne nous dit rien". 
Si l'on ne peut parler de "complot objectif" visant au formatage des esprits, c'est plutôt d'une nouvelle forme de renoncement au journalisme de combat et d'investigation dont il s'agit. On cède au commerce "parce qu'il faut bien vivre". C'est la peur qui gouverne. Ici aussi.
Toutes proportions gardées, c'est une doxa identique à celle employée lorsqu'on parle d'économie où c'est le conformisme qui commande.

Nous comprenons le contexte complexe "du journal télévisé de service public généraliste" hautement confronté à la concurrence du privé. 

Il est clair que l'Etat n'offre pas cet espace de liberté dont une rédaction aurait besoin : un espace qui veillerait avec éthique à s'ouvrir aux opinions les plus diverses et pas seulement celles prétendument portées par les sondages, un espace où le journaliste aurait le droit d'exprimer un point de vue et l'obligation de voir ce point de vue confronté à un autre, un espace où la fonction de contre-pouvoir s'exercerait mais en intégrant l'idée que tout pouvoir mérite à son tour d'être mis en question pourvu qu'on permette une argumentation étayée et rationalisée...

L'investigation, la recherche de la vérité, le démontage de préjugés, la possibilité de porter un "autre regard", de construire une autre hiérarchie de l'information que celle voulue par les grandes agences de Presse ou la concurrence commerciale,  d'innover et d'être créatif sans laisser croire que cela serait réservé au "Happy-few" qui regarde Arte... tout cela constituerait une feuille de route ambitieuse et courageuse dont hélas nous sommes loin. 

Ce sont, on le sait aujourd'hui, d'autres médias qui débusquent les vrais loups ou les "affaires"... 

D'aucuns nous dirons que c'est "un combat perdu d'avance"... On se souvient avec émotion du temps limité où après 81, le journal télévisé s'essayait à faire parler les français à propos des "grands problèmes", de l'époque où Bernard Langlois osait des éditoriaux acides, où Hervé Claude ou Bernard Rapp mais aussi Cristine Ockrent sortaient quelque peu des sentiers battus... On ne les laissa pas si  longtemps parler où ils "se rangèrent" par eux-mêmes et on leur substitua ces présentateurs aseptisés, convenus, modèles "gendre idéal bien coiffé" ou "très belle femme osant des décolletés" pour "lire" un déroulé de prompteur substituable en réalité aux grandes chaînes commerciales. 
Même Yves Mourousi qui secoua quelque peu le cocotier paraitrait aujourd'hui un dangereux révolutionnaire. 
Elise Lucet a appris a tourner sept fois sa langue dans sa sa bouche et reste contenue dans des rôles en deçà de ce qu'elle pourrait donner notamment en matière d'investigation...

Sont remontés jusqu'à nous, bien que timides car craignant une hiérarchie très réactive, quelques témoignages de jeunes journalistes priés de "rester dans les clous" ou de rapporter du "sensationnel" qui fasse du bruit...mais "faire du bruit" (du chiffre) ce n'est pas approfondir un sujet... et l'on passe vite à l'actualité suivante...

La question est complexe, ne tient pas seulement en réalité aux "vedettes du petit écran", les médias ont changé... tout cela nous l'entendons... mais alors pourquoi le "sacro-saint journal" reste-t-il à ce point un rite immuable et peu à peu vidé de sel et sens réel ? 

On voit d'ailleurs le succès des journaux courts qui sur certaine chaîne privée en disent aussi long en quinze minutes que le vingt-heures en trente ou quarante... 

Peu à peu, nous allons chercher "ailleurs" la vraie source d'information novatrice et originale...

Mais ...
En faisant le pari qu'il convient de se plier au plus grand dénominateur commun imposé par les grandes chaines privées, en veillant à ne déplaire ni aux annonceurs ni aux attentes supposées du  grand public, le journalisme devient une activité commerciale comme une autre et perd ainsi de sa force.
Le journal télévisé est devenu pour l'information ce que la restauration rapide est à la gastronomie... 

La question n'est pas de censurer ou de dire à une équipe de journalistes ce qu'ils doivent faire, mais au contraire de libérer les talents, de redonner un peu plus de démocratie et d'inventivité au choix des lignes éditoriales...
On pourrait commencer par oxygéner les contenus, les mises en forme... 

Il y a là une responsabilité "politique" à exercer.

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