samedi 26 juillet 2014

Crise et mutation, catastrophisme et scandale contre créativité et éthique de la compréhension

"Nous sommes en train de sortir de la crise, mais cela reste encore fragile..." Il me semble résumer ici approximativement l'expression récente du Président de la République tentant à la fois un langage de vérité et de rassurer les troupes... c'est à dire la Société française dans ses diverses composantes.
Vouloir rassurer ? 
C'est donc qu'il y aurait matière à s'inquiéter. "Quand il y a un flou c'est qu'il y a un loup" lançait hier  une candidate à la primaire socialiste... ajoutant un rien de soupçon et d'inquiétude.
Vouloir rassurer peut inquiéter. 
Tenter un langage de vérité est un exercice bien périlleux si l'on n'intègre pas la complexité et la subjectivité au propos. 
Ce qui est mauvais peut être utile à une prise de conscience future qui pourra être source d'un progrès, lequel contiendra à son tour des éléments positifs et négatifs...
Prétendre que l'on sortirait de la crise en laissant entrevoir une perspective de stabilisation alors que nous ne sommes qu'au début de mutations profondes c'est risquer de décevoir celles et ceux qui ne s'y retrouveront pas surtout si nous cherchons un bénéfice immédiat ou un avantage "sonnant et trébuchant"...
Ainsi l'antienne de la "compétitivité" ou de "la restitution du pouvoir d'achat" sont des leurres dangereux dès lors que l'on s'obstine à ne pas vouloir changer de logique et que nous nous enferrons dans la société de consommation qui ne vise pas à répondre à nos besoins mais à nous faire consommer pour consommer... 

La question n'est pas de "faire des économies" ou de "vouloir réduire à tout prix le train de vie de l'Etat", mais du projet, de ce que nous attendons du rôle de l'Etat à la fois dans sa capacité à porter des infrastructures permettant de développer l'activité humaine et dans sa capacité à compenser les inégalités ou les accidents humains de façon à favoriser l'inclusion de chacun dans la Société.

Loin des valeurs ou de l'esquisse d'un projet auquel il ne se résout pas , l'homme politique joue tour à tour les Cassandre ou les voyants, cherchant à "restaurer la confiance" c'est à dire en langage moderne à susciter l'adhésion des médias et des sondages plus particulièrement dans la perspective première de se maintenir au pouvoir jusqu'à la prochaine échéance...

Alors tout cela forcément engendre de graves déceptions et d'aucuns vont y chercher le renforcement de leurs postures et de leurs convictions tant il est confortable en apparence de voir les choses de façon binaire en reportant la faute sur autrui.
Le scandale, les affaires... tout cela fait du bruit et évite d'aller s'interroger au fond sur ce qui bouge vraiment dans un Monde plus inter-relié que jamais dont les centres géopolitiques et économiques bougent et s'entrechoquent sans cesse.

Monde où les machines savent de plus en plus se substituer au geste humain pour produire et ou pourtant,, portés par un réflexe humain nous continuons de "chercher de l'emploi productif" alors que de plus en plus travailler visera à penser, accompagner, nous entraider, commander les machines et leur évolution en visant à la fois à préserver nos ressources, gagner en efficience et en "qualité de vie".

Permettre de bien manger ou produire beaucoup de nourriture à bas prix pour augmenter les bénéfices ? 
Manger à tout moment tout type de fruits importés dans les pires conditions et pour une qualité finalement décevante ou s'attacher à produire bien et consommer en proximité ?

Nous connaissons en réalité la réponse d'un "bien vivre" (et même d'un "bien vivre ensemble") qui dépasse largement l'objectif du confort personnel à court terme.

La question n'est pas de jouer avec la crise et d'ailleurs d'en faire une sorte de monstre invisible qui devrait commander et réguler toute notre action. En ce sens la crise exerce une vraie dictature nous invitant à des "efforts" qui demandent de différer nos attentes supposées, l'espoir d'un progrès matériel etc. La crise nous laisse croire qu'il faudrait "attendre des jours meilleurs" ... mais on ne nous propose pas de changer de modèle ou de penser autrement. Il faudrait tenir en attendant le prochain épisode , la catastrophe ou l'accident, comme un tsunami dont on ne sait d'où il pourrait alors surgir...

Les médias malgré eux et faisant commerce d'image, renforcent souvent cette perception d'événements présentés à "grands traits", de catastrophes, d'accidents qui font le spectacle et à leur manière diversion S'il inquiète le "scandale" à sa façon nous rassure puisque "c'est pire ailleurs" ou pour les autres et que nous nous en sortons finalement à bon compte face à cette violence.

Alors nous parlons sur l'autre, nous le jugeons et finissons par céder à l'antienne du "pauvre qui est bien pour quelque chose dans son destin" ou de cet autre qui viendrait là juste pour "profiter" de nos richesses ou de nos aides sociales lesquelles continuent d'ailleurs d'être attribuées sans progressivité réelle, avec des effets de seuil et des règles bureaucratiques dévastateurs.

Nous accusons, nous condamnons, nous fermons la porte au dialogue, nous nous renforçons dans nos présupposés et ne faisons alors que subir le changement avec tous les risques que ce type de crispation engendre.

L'aventure humaine est pourtant nous le savons autrement foisonnante et riche dès lors que l'intelligence est convoquée, que partant parfois d'un bricolage d'urgence, la science se montre en capacité de voir autrement, de relier et de trouver des solutions aussi inattendues qu'éclairantes.

Des idées en apparence "simples" ont jailli à la suite d'expériences parfois complexes mais où dès lors que nous avons su regarder en prenant un certain recul , notre capacité créatrice, cette inspiration enthousiasmante, a su à chaque fois susciter cette dynamique et cette énergie qui ont permis à l'homme de se dépasser lui même dans bien des situations... et s'il crée et pense souvent seul, ce n'est jamais sans l'expérience, la pensée et l'apport des autres.

Nous devrions être à chaque fois reconnaissants envers nous mêmes de notre capacité à questionner et penser mutuellement et fraternellement le Monde, non seulement à nous secourir mais à nous retrouver dans la joie du partage de la connaissance et de ses réalisations.

Non pas en nous ébahissant bêtement du progrès scientifique dont nous savons qu'il peut engendrer parfois des conséquences impactant la préservation de notre planète, mais justement en permettant l'expression d'un progrès régulé et nourri d'une exigence en termes de valeurs, d'une éthique permanente qui intègre sans cesse la dimension humaine, partant de l'idée que si je préserve mon prochain, je me préserve moi même , si je valorise mon prochain, il m'acceptera mieux, si nous défendons la paix plutôt que la guerre, cela nous permettra de sécuriser nos relations, de mieux nous accueillir mutuellement. 

« Voici donc une éthique sans fondement autre qu’elle-même, mais qui a besoin d’appuis à 
l’extérieur d’elle-même : Elle a besoin de se nourrir d’une foi, de s’appuyer sur une 
anthropologie et de connaître les conditions et les situations où elle se pratique…. 
C’est une éthique de la compréhension, … une éthique qui nous demande de l’exigence pour 
nous même et de l’indulgence pour autrui, et non l’inverse. … 
L’éthique doit mobiliser l’intelligence pour affronter la complexité de la vie, du monde, de 
l’éthique elle-même" prônait déjà en 1994 , dans "Mes démons" , Edgar Morin.

Pourquoi ne pas essayer cette approche neuve puisque nous savons bien que les mêmes logiques continueront de nous faire au mieux tourner en rond, au pire, nous contraindront à ne réagir qu'après de grands drames collectifs que nous avons pourtant déjà connus ?

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