lundi 29 juillet 2013

Désordre, incertitude, sens et rationalité - des poètes et des scientifiques au gouvernement !

J'avais l'autre jour écrit ce tweet : " Intégrer le désordre et l'incertitude mais donner sens et rationalité, mise en tension permanente."

On me rappela sur le même compte qu'André Brahic aurait pu dire cette phrase. 

La référence à ce scientifique à la fois lucide et enthousiaste ne peut que me réjouir. 
Pas bien loin, chacun pensera à Edgar Morin. 

On me demande de revenir sur ce message rapide. 

Le balancement entre ordre et désordre est une notion difficile. 
Ce paysage alpin que tu admires et dont la composition inégalable inspire les artistes, cet équilibre apparent et somme toute provisoire, n'est que le fruit d'un profond désordre qui secoua à plusieurs reprises les entrailles du globe. 
Je range la maison chaque matin, mais inexorablement le désordre revient avec la poussière: j'observe d'ailleurs selon les jours, lui laisser plus ou moins de concessions, composer avec lui.selon ma flemme ou mon courage...
Qui ne connait ces snobs qui pour animer leur salon présentent un vrai-faux désordre de revues de luxe entrouvertes par hasard à une page choisie ? 
Qui organise sa vie en s'en pensant propriétaire, dépensera souvent beaucoup d'énergie à poser des barrières, protéger l'existant... Des barrières pour soi et des barrières pour les autres. 
La crainte du désordre, des révolutions, de la jeunesse et de ses excès, engendre réaction et conservatisme. 
Chacun trouvera dans l'actualité récente de nombreuses illustrations. 

Le principe de précaution et l'esprit sécuritaire voudraient nier le désordre ou laisser à penser qu'avec de bonnes barrières, des lois, des caméras, une bonne police et des prisons fermes, le Monde rentrerait vite dans l'ordre. 
Ainsi, pour faire "sérieux", il faut refuser le laxisme tant avec le budget qu'avec la gestion des humains (si je peux oser l'affreuse expression). 
Sauf que nous savons bien que la prohibition a engendré plus de crimes et que les pays où la peine de mort règne encore restent particulièrement criminogènes. 

Intégrer le désordre voudrait dire quoi ? 
Plusieurs lectures peuvent être faites que l'on parle du "vivre ensemble", du dialogue entre la liberté individuelle et la liberté démocratique... Rapport entre la Loi et la transgression de cette loi plus ou moins intégrée, tolérée ( la tolérance n'est pas l'acceptation, elle est un passage vers autre chose : le stationnement "toléré" n'autorise pas les "voitures ventouses" mais il est une solution transitoire et acceptable...).
 Intégrer le désordre c'est accepter que rien n'est immuable ni inusable. 
Pas plus un objet qu'une Société. 
Intégrer le désordre, c'est peut-être faire vivre activement ce dialogue entre le nécessaire et l'acceptable, ou savoir lire dans le désordre ce qu'il nous enseigne relativement à ce qui est peut-être devenu inacceptable dans l'ordre établi et posé comme tel pour nous conduire à un nouvel équilibre, un compromis provisoire.

Intégrer le désordre c'est se poser en individu en relation avec autrui, se montrer en capacité d'évoluer, c'est à dire de faire projet à partir de son Histoire passée mais en se donnant de nouveaux enjeux. 
Le désordre est une forme de contre-projet ou d'hypothèse ouverte et nouvelle qui oserait un "faire autrement" puisque de toute façon, "ça va changer". 

Oui, mais l'incertitude... Elle n'est pas seulement dans la peur du risque, elle est aussi dans l'inconnu. 
J'essaie, j'improvise sur le clavier... mais je prends le risque de couacs ou d'accidents...
Je ne sais pas bien comment ma pensée sera comprise... La vérité ne tient que parce qu'elle n'a pas encore trouvé de contradiction solide. 
J'ai démontré une chose jusqu'à ce que tu me prouves le contraire et transformes ma vision... 

Cela ne dit pas que tout savoir est faux mais qu'il est vrai "en l'état actuel de nos connaissances". 
Et c'est alors qu'intervient alors le jeu formidable de l'hypothèse qui ose une autre approche, changer de point de vue, qui essaie, observe, compare... pas seulement par le fruit du hasard mais souvent bien au contraire par le fruit de la sérendipité, c'est à dire de cette intuition et capacité à croiser des informations parfois éloignées pour tisser le lien entre elles et oser autre chose... 

La vitesse de l'évolution des sciences et les craintes engendrées par certaines dérives ont crée une forme de vertige. 
De la science à la croyance, un pas peut-être vite franchi si l'on interprète à outrance certains phénomènes scientifiques. 
Où l'on pensera à Aristote ou à la joie des syllogismes... On pensera aussi à la physique quantique mais surtout aux interprétations qu'elle engendre... plus généralement, au risque dans lequel des populations peu instruites des sciences peuvent se trouver tant pour accepter que refuser par principe " a-priori" une théorie ou une évolution... (ce qui ne veut pas dire que tout est acceptable...).
Mais nous osons dire encore que par principe justement, si une évolution scientifique est possible, elle se fera un jour, même en dehors des lois ou des cadres existants et qu'elle appellera ensuite des mutations... C'est alors que commence le dialogue relatif au sens que nous voulons donner à "notre projet" ...
Dialogue entre esthétique, dessein, éthique et valeurs... qui ne peut se faire qu'en prenant un peu de recul, en questionnant, en cherchant une approche rationnelle... 
Il n'est pas question de catéchisme laïc (c'est à dire d'une forme de dogmatisme de substitution) mais d'oser un véritable esprit critique, ouvert, où la morale s'appuie sur ce qui est "beau et bon" (je pressens les limites de la formule)  sans se priver de développer la curiosité aux choses du Monde...
Autrement dit, nous devrions être gouvernés ou plutôt représentés par des poètes, des philosophes, des scientifiques, des ingénieurs et des artisans.
Et peut-être bien quelques enfants et adolescents...

Nous ne demandons pas au politique une vision gestionnaire des choses, une approche seulement procédurale, mais nous demandons une vision prospective, généreuse et dynamique qui ose nous inscrire dans un destin commun mais qui refuse la fatalité. 

Alors, il faut accepter cette mise en tension permanente : pourtant il ne s'agit pas d'être seulement sur le fil de l'urgence, car alors il devient impossible de se penser dans le Monde et de penser le Monde. 
La crise nous opprime dès lors qu'on ne joue que la rengaine du pessimisme. 
Le pessimisme ne sert à rien, il nous mine, il nous ronge. 
Il ne s'agit pas d'appliquer la méthode "Coué" mais avec un peu de jubilation d'oser nous dire que la crise est un appel, une chance formidable pour oser questionner et changer les choses. 

Il faut convaincre les hommes politiques et les médias, que nous n'avons besoin ni de Cassandre, ni de réaction, ni de hurleurs, ni de gestion comptable... nous avons encore une fois, besoin du poète et du scientifique (un bon poète étant subversif par nature et ouvert à la science et un scientifique étant sensible en réalité à la beauté des choses puisqu'il sait s'en émerveiller pour questionner et imaginer...).
Un bon politique devrait aider à faire se parler les gens dans le cadre d'une démocratie participative et "responsabilisante".

Dans nos métiers, à la maison, en faisant nos courses, en marchant dans la campagne, en discutant avec ses amis ou ses enfants, chacun peut s'essayer à voir s'il participe du climat dépressif ou commence à se transformer pour transformer le Monde. 
Toute vie humaine et citoyenne est digne de cela.

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