mercredi 25 avril 2012

Traces et continuité de la pensée

L'écriture numérique et le stockage en ligne rendent plus difficiles la vision d'une pensée mise en cohérence et en continuité : le livre "papier", même si l'on peut considérer que c'est une approche réductrice, constitue un tout cohérent et identifiable auquel on peut se référer.

Le marque page, la notation y sont des repères parfois soumis à l'aléatoire mais que le lecteur qui les a déposés peut en principe retrouver dans l'intimité de sa bibliothèque.

L'hypertexte stocké de manière éclatée et presque aléatoire a introduit d'autres façons d'écrire et d'organiser la pensée.
Les connexions souterraines du Web ne rendent pas toujours lisibles et visibles ces liens.

Alors qu'hier notre pensée cartésienne aimait classer, catégoriser, aujourd'hui c'est plutôt le grand vrac d'où émergera peut-être le texte "retrouvé" par un moteur de recherche ou signalé par des lecteurs-électeurs eux-mêmes soumis à divers réseaux d'influence.

Une des difficultés aujourd'hui pour celui qui écrit n'est pas de publier sur Internet mais de pouvoir "émerger", se faire repérer, gagner en popularité peut-être plus qu'en autorité réelle de la pensée.
La crédibilité de l'auteur est une valeur bien délicate à estimer qui supposerait des enquêtes serrées avec le risque double du soupçon injustifié comme de la survalorisation...

Une idée chassant l'autre et la profusion noyant le lecteur, le développement d'une pensée articulée avec profondeur est difficile à moins de rester confiné dans sa chambre et n'écrire que pour soi.

On peut enfin se demander quelle sera la pérennité de ces traces, de ces écrits semés sur l'Internet : durée de conservation effective de l'information numérique, enfouissement ou émergence inattendue de productions... il ne suffit plus d'écrire, de réfléchir, de proposer un essai cohérent, il faut savoir le faire en pensant à la façon dont on voudra être lu et repéré, où et pour combien de temps...

Il faut aussi pour l'auteur condescendre à se défaire de sa propriété intellectuelle, car si le droit théorique continue de le protéger, la citation, la reprise, le copier-coller, le détournement sont attachés à toute publication sur le net.

C'est un vrai problème auquel le livre numérique ne répond que partiellement : il faudra peut-être imaginer des espaces, des bulles, des lieux repérables un peu clos sur eux-mêmes dans l'espace du net mais identifiables, repérables et répondant à des règles éthiques précises... Il s'en crée ici et là sans tout résoudre cependant.

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