dimanche 16 août 2009

du pouce à l'index

La télécommande fut cet objet magique des années 80, parfois gadget ultra complexe multipliant les boutons, elle s'est simplifiée et souvent même unifiée. Le pouce y préside et selon la puissance des piles une certaine attention doit être portée à l'orientation : bien viser avec son rayon magique pour obtenir une réponse de la machine à commander...
Tenir la télécommande dans le creux de la main et du pouce comme disent nos amis du québec, "pitonner"...
L'impact de la télécommande a souvent été décrit, jusqu'à parler de "génération zapette".
J'ai de grandes difficultés à suivre un adolescent zappant à grande vitesse d'un programme à l'autre... et pourtant, il construit une cohérence de son impatience ou de sa déception, il cherche, sans grande sérendipité, mais il espère du nouveau, quelque chose qui capte son attention, légèrement avachi sur le canapé, un rien blasé ...
Cet objet aurait peut-être diminué la capacité à se fixer sur des séquences longues - y compris à l'école- et participé de l'accélération générale de la Société qui touche même les musiciens qui, on le sait, accélèrent l'interprétation y compris des oeuvres du répertoire classique...

Les écrans tactiles, que ce soit le pavé tactile de l'ordinateur portable, le distributeur de billets à la gare, l'écran du téléphone puis d'ordinateurs, engage cette fois d'abord l'index...
Diverses applications sollicitent pourquoi pas un deuxième doigt, le pouce et l'index ou les deux index et nous voyons progressivement des applications qui font agir le bras, puis le corps tout entier...
Dans cette affaire, la machine prolonge le corps et voici des vrais mouvements qui se perdent dans le virtuel d'un jeu avec ces situations étonnantes : deux joueurs placés côté à côté, ne se regardent pas, mais regardent sur l'écran deux représentations virtuelles d'eux-mêmes qui s'affrontent en quelque sorte par délégation... ils jouent ensemble, engageant leur corps mais sans face à face direct... bien qu'une communication subsiste entre eux s'ils sont dans la même pièce... étrange face à face... peut-être demain des matches de boxe sans blessure ou de l'escrime sans danger ? mais le risque de la distance entre les corps...

Mais revenons à l'index... Outre la symbolique forte qui accompagne ce doigt ( y compris dépréciative, y compris du point de vue de l'autorité, de la désignation, de la direction, de l'incorrection...), la stimulation engendrée par le recours régulier à l'index, on dira, l'entrainement ou le conditionnement aurait un impact sur le fonctionnement du cerveau... cela a-t-il un impact sur la perception et la façon d'entrer en relation avec les objets, le Monde et par extension la façon de penser et de se penser dans le Monde ? Jusqu'où ?

Les limites de l'entrainement cérébral ayant été rappelées récemment, il convient toutefois de rester prudent...

Lorsqu'on pratique beaucoup un jeu ou une activité sportive, nous sentons le moment où l'entrainement suscite presque un appel, c'est à dire un besoin de réitérer l'activité...
Plus je joue du piano, plus j'ai l'envie d'en jouer, pas seulement pour le plaisir de faire de la musique mais aussi pour ce que cela engage du corps. Le plaisir des doigts sur le clavier...
Les musiciens persans qui jouent du zarb (petit tambour en forme de calice) développent une très grande dextérité et élaborent grâce à la relation étroite avec l'instrument, des rythmes à la construction mathématique fort complexe. Cette fusion de l'homme et de l'instrument est forte. Qui connait des joueurs de zarb, a pu observer aussi que leurs doigts cherchent machinalement à prolonger l'activité dès lors qu'ils trouvent une surface qui résonne un peu...

Ce nouveau rapport aux objets accéléré par les évolutions technologiques, va-t-il engendrer des évolutions dans les stimulations cérébrales qui à terme pourraient engendrer d'autres façons de penser ?




J'en veux pour preuve, ce réflexe qui m'arrive parfois, de tapoter un écran dans l'espoir qu'il réponde aux ordres de mon index...

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